Si vous voulez choquer artistiquement, sans pour autant vous couper le prépuce sur scène façon Shrapnel, il existe une formule simple : attaquez-vous à tout ce que la société élève au rang de sacro-saint. Comme Susan Copich pour la famille ou Gea* Philes pour l’enfant pur et innocent.
Mais si Jana Brike, magicienne du pinceau venue des brumes lettones, s’attaque aussi à cette icône moderne qu’est l’enfant, sa grande force est d’avoir compris qu’au plus le monde dans lequel elle nous invitera à entrer sera moltono-onirique, joli, baigné de cette esthétisme ultra douillet qui fait le succès de ces albums pour enfants qui plaisent surtout aux parents, au plus la moindre dissonance sera amplifiée. Les pastels de Jana n’en n’ont donc que la couleur.
Les fantasmes oubliés
Il suffit dès lors de quelques gouttelettes de sang à l’échancrure d’une narine ou à la commissure des lèvres, d’une légère égratignure, voire simplement du nom de l’œuvre, pour nous rappeler que nous ne sommes pas au pays du sucre d’orge, mais dans celui plus inquiétant, perturbant, dérangeant de Jana Brike ou plus exactement dans celui de l’adonirisme, un onirisme encore aux couleurs de l’enfance où viennent se définir des fantasmes, des désirs, des inquiétudes très, trop, adultes, où le vert paradis des amours enfantines s’empoisse à l’encre de la préadolescence.
Madame Brike, vous êtes une artiste exceptionnelle, tant ont voulu exploiter le filon d’Alice au pays des merveilles, vous ne vous êtes pas contentée d’être la seule à y être parvenue, vous l’avez sublimé. Merci !
À vous, maintenant, de replonger dans cet adonirisme trop vite oublié, où les « mauvais sentiments, sans doute, et que nous devions réprimer », comme le dit si justement Valéry Larbaud dans ses Enfantines, pouvaient enfin s’exprimer. Souvenez-vous…
Sketchbooks
N’hésitez pas à poursuivre ce rougissant voyage dans vos fantasmes de pré-ado en visitant le site officiel de Jana Brike.
Bonus vidéo :
Breathing Dreams of Wounded Hearts from Jana Brike on Vimeo.
« Peekaboo » drawing process from Jana Brike on Vimeo.